jeudi 27 février 2014

Back in Thailand Jour 3 : Le jour où j'ai croisé le regard d'un éléphant, by Mummy B.

Notre séjour à Kanchanaburi fut l'occasion pour nous de passer une journée extraordinaire en compagnie des animaux préférés de Mimi B. : les éléphants. Mais conscients de l'exploitation et des sévices que subissent ces animaux en Thaïlande, nous avons choisi consciencieusement l'endroit où les rencontrer et avons donc passé une journée à Elephants World.

Créé en 2008 par le docteur Samart Prasithpol, ce refuge fonctionne comme une maison de retraite. Neuf éléphants y sont actuellement recueillis. Très vieux et/ou gravement blessés, ils ont tous une histoire difficile et les responsables d'Elephant World essayent de leur offrir une fin de vie agréable et douce.

Tête à tête avec Somboon à Elephants World (Kanchanaburi)
Lors de notre premier voyage en Thaïlande, nous avions déjà aperçu des éléphants, et volontairement j'ai préféré ne pas le mentionner, préférant garder ce sujet pour plus tard. En effet, cette première rencontre fut loin d'être agréable et nous n'avons pas profité de la présence de ces animaux majestueux à quelques pas de nous.

Petit retour en arrière, nous revoici en décembre lors de notre ascension vers le Big Buddha à Phuket :
Régulièrement nous croisons des stands qui proposent des promenades à bord d'une nacelle perchée sur le dos d'un éléphant dans la campagne environnante. 

Au premier regard, on pourrait être charmé par cette rencontre inattendue avec des animaux si impressionnants, qui réveille d'emblée notre imaginaire, nos rêves d'exotisme et nous propulse instantanément dans nos livres d'enfance. Le Livre de la jungle, Babar, Dumbo, Elmer... que de références ont rendu ce pachyderme célèbre et mythique au point que rares sont les touristes qui ne se laissent pas tenter par une petite promenade sur leur dos.


Mais si l'on s'approche un peu et qu'on observe ce qui s'y passe, on préfère passer son chemin, triste pour ces animaux, victimes de l'appât du gain et de l'égoïsme des Hommes.

Sans eau, sans nourriture, les éléphants sont laissés en plein soleil, leurs pattes sont souvent à même le goudron brûlant. La chaîne qui leur lacère les chevilles ne doit pas excéder un mètre. Des éléphanteaux, également enchaînés, servent de vitrines pour appâter les clients. Le petit commerce est bien rôdé et il y a toujours du monde pour grimper dans les nacelles pour un petit tour soi-disant typique dans le coin. Si l'éléphant traîne un peu trop la patte, un violent coup de crochet lui est asséné sur le crâne alors que le touriste regarde ailleurs... 

Phuket, Kanchanaburi, Bangkok, Chiang Mai... toute la Thaïlande et de nombreux autres pays voisins exploitent sans aucun respect ces animaux en voie de disparition. 

Bain de boue pour les éléphants du refuge Elephants World
Quand, à la fin des années 80, la Thaïlande interdit l'exploitation commerciale du bois de ses forêts, les éléphants et leurs mahouts (c'est à dire les maîtres-soigneurs des éléphants) se retrouvent au chômage. Ces éléphants domestiques ne sont pas protégés par le "Conservation Act" de 1992, comme le sont officiellement ceux vivant encore à l'état sauvage. Du travail de forçat dans les exploitations forestières, ils se retrouvent désormais soumis à servir le tourisme de masse, principale source de revenus pour le pays. On peut les voir désormais faire des spectacles ridicules ou trimbaler les hordes de touristes qui sont, entre autres, débarqués par les tour-opérateurs dans des camps d’éléphants, activité phare dans leur circuit.


Pour arriver à soumettre les éléphants à ce genre de pratiques, ils sont auparavant torturés dans le but de les détruire moralement, processus pendant lequel près de la moitié décèdent. Je ne reviendrai pas ici sur l'acharnement barbare auquel ils sont soumis, mais vous pourrez avoir un aperçu du supplice qu'ils endurent lors de la cérémonie du Phajaan dans cette vidéo.

Une pétition est d'ailleurs en ligne pour s'opposer à ce rituel révoltant et choquant.

Alors faut-il purement et simplement abandonner l'idée d'approcher ces animaux magnifiques si l'on ne veut pas participer à ce drame?

Pas forcément.

Si ils sont rares, il existe néanmoins en Thaïlande, quelques refuges qui prennent soin des éléphants et permettent aux touristes de partager une journée avec eux de manière responsable et respectueuse. Cette journée est axée sur leur bien-être, sur le partage et l'échange. On est très loin des attrapes-touristes sans aucun sens moral dont le but est uniquement de profiter de la manne financière qu'est le tourisme de masse.


Pas la peine de vous fier au nom de ces centres pour savoir si vous êtes tombés sur des tortionnaires ou l'inverse, le programme de la journée suffira pour vous aiguiller. Si un centre vous propose de monter à bord d'une nacelle ou se vante d'avoir des éléphants qui savent jouer au foot ou peindre... fuyez! Tout cela n'est absolument pas plaisant ou naturel pour l'animal qui est aussi victime dans ce genre d'endroit de malnutrition et de mauvais traitements corporels.

Nous avons passé une journée à Elephant World et ce fut une expérience incroyable. De 10h à 16h, nous avons consacré notre énergie à nous occuper de vieux éléphants auparavant exploités dans les autres camps et avons observé leur quotidien.

Petit résumé en images d'une journée gravée dans nos mémoires :

A 9h, le pick-up vient nous chercher à la guesthouse, nous partageons le trajet avec une famille italienne, une voyageuse française et deux couples espagnol et allemand. Nous sommes accueillis par deux volontaires hollandaises qui passent un mois de bénévolat dans le centre.

On nous explique les conditions de vie et de travail catastrophiques dans les centres classiques et le travail que le refuge a entrepris pour sauver certains éléphants.

Après avoir récupéré une bouteille d'eau chacun, nous faisons connaissance avec cinq femelles recueillies par Elephants World et pouvons leur donner les bananes que nous leur avons achetées ainsi que leur goûter de légumes et de fruits préparé par les volontaires.



Un éléphant mange 200 à 250 kilos de nourriture par jour. C'est essentiel pour lui d'en avaler autant car 40 à 60% de la nourriture qu'il ingère n'est pas digérée. On peut lui donner au niveau de la trompe et laisser l'éléphant mettre lui-même les aliments dans sa bouche ou lui déposer directement dans sa bouche et c'est alors beaucoup plus impressionnant.


Nous suivons ensuite les éléphants qui prennent un bain de boue et vont se rincer après dans la rivière. Le centre est assez grand et les éléphants ont de la place et des endroits privilégiés pour s'adonner aux activités qu'ils préfèrent : manger et se baigner dans l'eau ou la boue.


Nous pouvons ensuite les observer manger de la canne à sucre et se protéger la peau en s'aspergeant de poussière. 





Nous continuons la découverte du quotidien du centre avec un petit atelier cuisine. Il faut couper du potiron en morceaux et les faire cuire avec du riz pour les ramollir. On laisse refroidir le tout qui servira plus tard.

Daddy B. et Mamy FB. en cuisine... preuve à l'appui!
Maintenant c'est à nous de manger. Pas de courges au menu, mais un buffet copieux et délicieux de spécialités locales. On se régale tout en observant les éléphants qui se baladent sous la terrasse où nous sommes installés.


Après le déjeuner, certains partent faire quelques petits travaux des champs (couper de la canne à sucre, ramasser des bananes...). Comme Mimi B. est fatiguée, on nous propose de rester au centre et de profiter des éléphants qui retournent dans leur bain de boue. Une grosse demi-heure plus tard, le reste du groupe est de retour et l'on retourne en cuisine.

Cette fois le mélange riz-potiron a refroidi et il faut en faire des boulettes qui seront mangées par les plus vieilles éléphantes qui ont perdu leurs dents. Grâce à ses soins spécifiques, le refuge parvient à prolonger la vie de ses pensionnaires jusqu'à 80 ans (au lieu de 60 en moyenne dans leur environnement naturel puisque sans dent ils ne peuvent plus se nourrir).


Pendant ce temps là, Mimi B. aussi a l'impression d'aider!


On donne les boulettes aux éléphants les plus âgés en faisant bien attention à ce que les autres gourmands ne leur piquent pas leur repas.


On accompagne de nouveau les éléphants à la rivière. Au début on peut se baigner aussi, mais pas trop près d'eux. Des cordes sont à disposition pour se jeter dans l'eau. Tout le monde s'amuse bien. Pendant ce temps les mahouts s'occupent de leurs éléphants et jouent avec eux. Certains éléphants leur font faire un peu de rodéo. Ce bain est vraiment très joyeux.


Les mahouts nous proposent ensuite de monter sur les éléphants à cru si on le souhaite. On peut aller seul ou à deux sur leur dos. 

Un éléphant peut porter une centaine de kilos sur son dos, beaucoup plus sur son cou et c'est d'ailleurs là que s'installent les mahouts. Physiologiquement porter jusqu'à 2 ou 3 personnes installées dans une nacelle qui pèse déjà une cinquantaine de kilos, c'est beaucoup trop, surtout quand cela dure toute la journée.

A Elephants World, les éléphants ne nous porteront que quelques minutes. Pas plus, pour ne pas les fatiguer inutilement. Pendant ce temps ils continuent de jouer avec les mahouts et avec nous. Nous avions prévu des pantalons assez longs et épais en prévision de cette activité. En effet les poils durs des éléphants peuvent frotter contre la peau et provoquer une réaction cutanée (boutons, irritations), nous avons préféré être prévoyants.
Nous rejoignons à la nage RomSai et son mahout pour un joli moment dans la rivière.

On termine la journée en donnant aux éléphants leur goûter. Le même qu'à notre arrivée le matin, mais cette fois nous sommes plus assurés dans notre manière de leur donner à manger.


Nous garderons toujours en mémoire ce que nous avons appris ce jour là et chaque moment passé en compagnie de Aum Pan, Songkran, Ngo Hok, RomSai, Kammoon, Malee, Lam Duan, Somboon, Wasana, leurs mahouts et les volontaires d'Elephants World. 

Pour retrouver toutes les informations pratiques sur ce refuge (programme de la journée, tarifs...), n'hésitez pas à visiter leur site web.

D'autres centres aussi respectueux existent comme le Elephant Nature Park à Chiang Mai dont Erika a déjà vanté les mérites et le travail sur son blog Active Mummy in Singapore.


Pour terminer cet article, je voudrais revenir sur les phrases que j'ai régulièrement lu ou entendu suite aux balades en nacelle sur le dos d'un éléphant ou sur les spectacles proposés dans les camps.

Certains le font pour "faire plaisir aux enfants". Je pense justement qu'il faut à tout prix éviter ces activités avec les enfants qui sont les adultes de demain. Pour lutter contre l'exploitation des éléphants dans les pays asiatiques, il faut faire comprendre aux générations futures qu'on ne torture pas un animal dans le seul but d'en tirer un certain profit financier ou une source de divertissement. Les enfants seront d'ailleurs enchantés de participer à des journées d'observation dans les refuges, même si la finalité n'est pas de se promener sur le dos de l'animal.

D'autres ne veulent pas se priver de cette expérience "magique et inoubliable". Comme je les comprends, c'est exactement ce que nous avons vécu à Elephant World. Cette expérience était d'autant plus belle qu'elle se faisait dans le respect de l'animal et que dans ses yeux nous n'avons pas vu de souffrances, si ce n'est celles du passé.

Enfin, à ceux qui s'imaginent que ne "participer qu'une seule fois à ce genre d'activité n'est pas si dramatique", ils oublient que pour l'éléphant ces "expériences uniques" représentent toute sa vie misérable. Que chaque fois qu'un touriste décide de monter dans une nacelle, il encourage les camps à proposer ces activités puisqu'elles rapportent beaucoup financièrement. Si l'on participe une seule et unique fois, il ne faut pas être dupe mais au contraire prendre bien conscience que l'on sera responsable de toutes les prochaines fois où une nacelle sera harnachée à un éléphant le forçant à un travail éreintant et contre nature.


Cet article concernait les éléphants en particulier, mais il est aussi important de souligner qu'une grande partie des animaux que vous rencontrerez en Thaïlande (et dans la plupart des pays d'Asie du Sud-Est) sont malmenés. Si vous aimez vraiment les animaux, n'alimentez pas le business irrespectueux et révoltant qui découle des temples des tigres (non, on ne peut pas câliner un tigre naturellement à moins qu'il ne soit sévèrement drogué!), des singes, serpents ou perroquets qui prennent la pause pour une photo souvenir payante et autres aberrations touristiques.

Voyager, découvrir, s'émerveiller, réaliser ses rêves... mais de manière responsable et avec respect.

9 commentaires:

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    1. C'est avec plaisir! Je pense qu'effectivement une grande partie des touristes n'est pas au courant de ces pratiques et si ils étaient informés, ils s'orienteraient sans doute vers des centres respectueux comme Elephants World. C'est important de faire passer l'information. Plus les touristes seront au courant et éviteront d'alimenter ce business, plus les refuges pourront prendre de l'importance par rapport aux camps classiques.

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  2. Impressionnant! Ici, c'est aux lapins, chèvres et cochons qu'on peut donner le goûter. Pas tout à fait la même chose :D. Et c'est vraiment triste et cruel cette exploitation purement touristique avec les balades en nacelle... :(

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    1. Ah ah! Sympa aussi les lapins, chèvres et cochons... ils ont juste une plus petite bouche! lol
      Quant à l'exploitation des éléphants en Thaïlande, il faut éveiller les consciences pour un tourisme plus respectueux et plus responsables et lutter contre l'ignorance en montrant ce qui se passe en coulisses.

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  3. Merci de nous ouvrir les yeux Eva, moi non plus je ne m'étais pas rendue compte de tout ça... Superbe article en tout cas, et tes photos sont si belles !

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    1. Merci beaucoup pour ton commentaire Marine!

      On ne peut pas toujours connaitre l'envers du décor. L'important quand on le connait, c'est de le partager pour que le plus grand nombre puisse prendre conscience des travers du tourisme de masse et trouver des solutions plus respectueuses pour voyager. :)

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  4. La première partie de ton article est édifiante, ça fait plaisir de voir qu'il y a des centres ou l'on s'occupe des éléphants,

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    1. Heureusement que la prise de conscience est en route. Mais le chemin est encore long et il faut faire circuler l'information au maximum pour que les touristes puissent choisir les bons refuges au lieu de simplement se laisser alpaguer par le premier camp qui propose une balade en nacelle. Trop d'articles de blogs ou de photos sur facebook font passer ce standard pour un rêve, qui est loin dans être un pour l'éléphant. Il est important de montrer des alternatives plus respectueuses.

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  5. J'ai lu ton article avec intérêt, je ne savais pas tout ça moi non plus. Merci d'éveiller nos regards sur des pratiques condamnables et de nous rassurer en nous parlant de ceux qui font le possible pour y remédier.

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